Repos mérité ... Ou pas ?... [PV : Sankar]

Sankar marcha de toutes ses forces dans une flaque et savoura pleinement le fait de ne pas avoir les pieds mouillés grâce à ses bottines. Elle ne remercierait jamais assez Jilano pour ces vêtements. Elle ajusta sa veste de cuir et de peau de mouton sur ses épaules et pénétra dans une auberge nommée Le Dragon et la Dame, non sans flatter l'encolure d'un cheval attaché devant au passage.
La jeune fille balaya la salle du regard. Ne repérant que Bledas et sa bande, les plus vieux cambrioleurs des rues, elle alla s'accouder au comptoir. Le groupe était déjà trop imbibé pour être dangereux.
Elle commanda d'un ton distrait une choppe de bière et continua à observer les faits et gestes des clients de l'auberge tout en sirotant sa boisson. Un jeune homme blond entra et alla s'assoir au fond de la taverne.
Contrairement à presque tout ceux qui se tenaient dans l'établissement, il n'était pas familier à Sankar. Elle devina tout de suite que Bledas allait lui chercher des noises.

*Bien vu Sankar...*

Le cambrioleur et sa bande était devant le nouvel arrivant, le masquant à la vue de l'apprentie marchombre. Elle décida de s'interposer. Sa chope à la main, elle s'approcha de Bledas d'un pas vif et passa un bras autour de sa taille en brandissant sa bière.

Sankar haussa les sourcils, surprise de la réaction pour le moins violente de l'étranger. Elle avala cul-sec sa choppe et en commanda une autre. Puis se tourna à nouveau vers l'homme.

La bière qu'avait commandé Sankar arriva et elle en bu une gorgée avec vigueur avant de poursuivre:

Sankar lâcha Bledas et alla s'assoir sur la table de l'étranger. Elle enleva sa veste et son pull, restant juste en robe et dévoilant son tatouage: il faisait très chaud dans la salle et exhiber ainsi son principal signe distinctif aiderait Bledas à l'identifier.

Sankar liquida sa choppe. L'alcool commençait à lui monter à la tête et elle se sentait bien. Elle fit jouer ses épaules: son dragon ondula.

Elle se rendit compte à ce moment que son tatouage avait l'air d'intriguer Krishnen. Elle se leva et pris à nouveau Bledas par le bras, avant de se diriger vers la sortie, laissant sa veste et son pull sur la table.

Elle prononça ces paroles sur un ton sarcastique: elle était vexée, mais ne renoncerait pas pour autant à se faire un ami de Krishnen. Bledas était rond comme une queue de pelle et se laissait mener comme un poney. Sankar se plaça devant le tonneau qui contenait de l'eau de pluie par litres, ordonna à l'ivrogne de prendre une grande inspiration et lui plongea la tête sous l'eau. Elle répéta cette opération une dizaine de fois, puis le lâcha et le laissa filer. La jeune fille rentra dans l'auberge et retourna se planter devant Krishnen. Elle fit une révérence trop profonde pour être sincère et s'adressa au jeune homme sur un ton imprégné d'ironie.

Sankar se laissa tomber sur une chaise et se balança, les pieds posés sur la table comme elle aimait le faire. Elle héla la serveuse par son prénom et lui commanda une bière, en se disant qu'il fallait qu'elle se calme sur la bibine si elle ne voulait pas se retrouver dans le lit d'un inconnu.

*La dernière de la soirée...*

La jeune fille bailla et s'étira. Il y avait trop peu d'action. Ajouté à l'alcool, elle risquait de s'endormir.

La bière de Sankar arriva enfin. Elle en bu une gorgée et poursuivit.

Sankar prononça ces mots avec fierté. Elle avait comprit que ce n'était pas accordé à tout le monde.

Sankar bu une nouvelle gorgée dans sa choppe pour humidifier sa bouche sèche. Cette fois, elle était bien pompette. Un peu déconnectée, la réaction de Krishnen la surprit tellement quelle sursauta. L'équilibre fragile qu'elle avait sur sa chaise fut rompu et elle tomba en arrière. La bière se renversa sur elle.
La jeune fille se releva, couverte d'alcool. Elle lança un regard interrogateur au jeune homme, ne comprenant pas sa réaction.

Sankar contempla d'un air dépité sa robe neuve, puis l'essora, avant de remettre son pull pour ne pas avoir froid. Elle fit le tour de la table et se planta devant Krishnen.

Momentanément dégrisée par les mouvements brusques de Krishnen et par sa douche de bière involontaire, Sankar s'aperçut soudain que le jeune homme dégageait une aura semblable à celle de Jilano. Mais la sienne ne semblait pas faite d'harmonie et de lumière comme celle de son maitre. C'est alors que lui revins en un flash une petite phrase à laquelle elle avait à peine prêté attention. Mercenaire du chaos en était le sujet. C'est alors que tout se réunifia dans son cerveau embrumé.
Krishnen était un mercenaire du chaos.
Les lèvres de Sankar se retroussèrent sur ses dents et un grognement monta de sa gorge. Elle prit inconsciemment une imperceptible garde de combat.

Sankar chuta brutalement sur le dos, sans se retenir ni tenter d'amortir le choc. Cette fois, elle était bel et bien dessaoulé. Elle se frotta le dos et se leva avec lenteur. Alors comme ça, elle n'était pas encore assez mûre. Alors comme ça, elle n'était pas prête. Furieuse, elle ramassa sa veste et se rua vers la sortie, évitant avec agilité l'aubergiste qui venait voir ce que c'était que tout ce tapage.
L'apprentie marchombre resta debout sur le porche.

Sankar comprit rapidement qu'elle allait en effet s'écraser comme une bouse à un mètre de son but. Elle ferma les yeux et eu une pensée pour Jilano puis s'effondra au sol. Ou tout au moins aurait du. Quand elle rouvrit les yeux, elle s'aperçut qu'elle était dans les bras de Krishnen. Le contact pour le moins rapproché l'embarrassa autant qu'il la troubla et elle fut très soulagé quand il la posa au sol.
Un peu tremblante, l'apprentie marchombre remit de l'ordre dans ses vêtements pour reprendre une contenance. Quand elle releva la tête, Krishnen était déjà au bout de la rue. Toute trace d'animosité avait disparu dans sa voix quand elle l'appela, une étrange impression de déjà vu dans la tête.

Ils n'étaient pas et ne pourraient jamais être amis, mais pourquoi ne pas boire un coup ensemble et discuter? Ce n'était pas interdit après tout. Pourquoi marchombres et mercenaires seraient-t-ils ennemis? Peut être pourraient-t-ils se tolérer?

Sankar écouta la longue tirade de Krishnen et réalisa que c'était la chose la plus longue qu'elle ait entendu dans sa bouche. Il l'avait appelé par son nom. Elle haussa les sourcils, rajusta le ruban qui lui attachait les cheveux sur son front et partit à l'asseau d'un toit. De-là haut, elle répondit à Krishnen.

L'apprentie marchombre se pencha du haut du toit.

Elle se redressa et lui envoya le visage plein d'ironie un baiser volant. Sankar quitta la rue en sautant sur un toit et grimpa au sommet d'une tour pour regarder les étoiles."

Sankar se laissa aller en arrière sur les tuiles du toit de la tour, les pieds calés dans la gouttière. Elle frissonna et resserra les pans de sa veste autour d'elle. Un croissant de lune pour le moins lumineux brillait à travers les nuages, comme enveloppée dans un châle de brume. Les étoiles les moins hardies étaient invisibles sous la couche nuageuse, mais certaines scintillaient de toutes leurs forces.
Un cri retentit soudain. Attend.
Elle se redressa sur un coude et vit Krishnen arriver et s'assoir à coté d'elle. Surprise, elle n'en laissa rien paraître et s'allongea à nouveau sur le toit, les bras sous la tête.

L'apprentie marchombre se tut et l'écouta parler avec attention tout en comptant les étoiles et perdit le compte quand il annonça son ancienne voie. Elle s'assit à nouveau et entoura ses jambes de ses bras, le menton sur les genoux.

Sankar éclata soudain de rire et laissa ses jambes pendre dans le vide, prise de fou rire et rejeta la tête en arrière. C'était toute la tension qu'elle avait accumulé au cours de la dernière demi-heure, mêlée à la surprise de cette dernière révélation.

Sankar sortit une lanière de viande séchée de sa poche et entreprit de mâcher consciencieusement le dur cuir. Elle trouvait cela parfaitement délicieux, et s'apprêtait à avaler, quand Krishnen sous entendit que des marchombres avaient assassinés ses parents. Elle avala de travers, toussa manqua de tomber et laissa tomber ce qui lui restait de viande séchée. La jeune fille reprit son souffle et resta silencieuse un instant.

Sankar toussa encore un petit coup pour faire passer définitivement la sensation désagréable après qu'elle ait manqué de étouffer. Puis elle prit conscience que la mort de ses parents devait être un souvenir douloureux pour Krishnen. Une boule dans la gorge, elle prit délicatement sa main dans la sienne.

Elle ramena ses genoux sous son menton et entoura ses tibias de ses mains, roulée en boule au sommet du toit, comme un grand œuf qu'on aurait oublié là.

Sankar soupira tristement. Elle se souvint que sa mère avait coutume de dire que chez certaines personnes, l'ouverture d'esprit s'attrapait à coup de hache dans la tête. C'était une des seules phrases dont elle se souvenait. La jeune fille prit une grosse voix bourrue et enrouée, telle qu'elle se souvenait de celle de sa mère pour faire part de cette remarque à Krishnen.

"Chez la plus part des gens, l'ouverture d'esprit s'attrape à coup de hache dans la tête,elle ajouta avec sa voix normale: Et faut croire que chez les marchombres aussi. Si les cons pouvaient voler, on verrait plus la lune. C'est peu être des lieux communs, mais c'est vrai. Ce type doit être fâché après lui même parce qu'il s'est trompé en te disant que la voix des marchombres était la tienne. Il a refusé de l'admettre et à projeté ses erreurs sur toi et a décidé que tu ne devais pas vivre. Et si l'harmonie existe, la contrepartie est le chaos je me trompe? Et comment peut-t-on définir le chaos sans l'harmonie? Je pense que si le chaos et l'harmonie sont opposés par nature, ils ne peuvent pas exister l'un sans l'autre. Ce sont deux forces qui s'attirent et se repousse!"